Le Japon des années 1930-1940 : Fascisme ou traditionalisme ?
Le Japon des années 1930 présente deux visages contrastés. L’après guerre a significativement dynamisé l’économie japonaise, créant une industrie puissante et compétitive à l’échelle mondiale. Les mentalités urbaines s’occidentalisent à mesure que les quartiers modernes se développent dans les grandes villes (Tokyo et Yokohama notamment). S’oppose à ce Japon urbain et moderne un Japon rural basé sur la production agricole et l’artisanat qui souffre de la concurrence de l’industrie. Pour ce « Japon des campagnes », l’occidentalisation est perçue comme une remise en cause des idéaux traditionnels japonais. Ce sont ces campagnes qui vont le plus souffrir de la crise des années 1930 (baisse du prix des denrées agricoles et expulsion des paysans des terres qu’ils exploitaient en fermage).
Cette misère terrible des campagnes va trouver un écho chez les militaires, majoritairement issus du milieu rural. Va ainsi se créer un pôle d’opposition conservateur et réactionnaire dont l’objectif est d’instaurer un pouvoir militaire s’appuyant sur la masse paysanne. Cette nouvelle force politique va faire de l’ultranationalisme un exutoire. En effet, les militaires ont une solution à la crise : la Mandchourie. Cette province chinoise fournirait produits alimentaires, matières premières, débouchés et terres à exploiter pour les dizaines de milliers de paysans japonais affamés.
Face à ce renforcement de l’armée, qu’en est-il des structures politiques japonaises ? Le suffrage universel, instauré en 1925, et l’opposition entre le parti libéral (Seiyukai) et conservateur (Minseito) cachent en réalité un pouvoir oligarchique de hauts fonctionnaires étroitement liés aux puissants Zaibatsu (immenses conglomérats détenant l’essentiel de l’économie japonaise). Ce faux semblant de démocratie libérale ne fera pas le poids.
En 1931, les militaires mettent l’empereur et le gouvernement devant le fait accompli en envahissant la Mandchourie. Les autorités n’osant pas sanctionner cette prise d’initiative, l’armée apparait aux dirigeants des Zaibatsu et au peuple comme la seule force crédible du pays. D’autant plus que rien ne semble pouvoir arrêter ces jeunes officiers ambitieux (assassinat du premier ministre Inukaï en 1932, tentative de coup d’Etat le 26 février 1936). Pour échapper aux plus extrémistes de ces officiers, l’empereur et le gouvernement confient le pouvoir à l’état-major.
Le régime mis en place par les militaires prend vite la forme d’un totalitarisme japonais. Un police spéciale est crée (intellectuels, syndicalistes et hommes de gauche sont jetés en prison), le contrôle des esprits est mis en place (manuels scolaires refondus, contrôle de la presse). En 1940, un parti unique, l’Association pour l’assistance au pouvoir impérial, est institué.
Cependant, il est difficile d’associer ce totalitarisme japonais au fascisme. En effet, le régime japonais n’est pas destiné à transformer la société (comme en Italie ou en Allemagne) mais bien à en préserver les structures. Les militaires au pouvoir veulent sauvegarder les rapports sociaux et garantir les traditions face au modernisme et à l’Occident, tout en ayant conscience que cela n’est possible que par le développement des techniques et de l’industrie. On pourrait ainsi dire que l’idéologie sous jacente de ce totalitarisme japonais est plus proche de l’esprit Meiji que du fascisme.